La vie musicale à la cour de Louis XIV

Introduction
De Paris à Versailles
– La vie de cour n’a pas débuté à Versailles
– La résidence du souverain est également le siège du gouvernement. Avant l’installation à Versailles, le palais principal est Paris (le Louvre, les Tuileries). Mais une partie de l’année, la cour est itinérante (Chambord, St-Germain-en-Laye)
* Saint-Germain-en-Laye ; Fontainebleau à l’automne pour la chasse ou Chambord
* échappées chez dans d’autres lieux : Saint-Cloud chez les Orléans, Sceaux chez duc et duchesse du Maine.
– L’installation à Versailles ne se fait qu’en 1682.
* 1664: L. XIV décide de transformer le pavillon de chasse de son père en 1 palais à l’image de son règne.
* 1682: la Cour s’y installe et termine ainsi une vie itinérante (le roi n’aime pas Paris en raison des conflits liés à la Fronde)
* Palais qui doit manifester la gloire royale aux yeux de l’Europe. Sert de modèle pour de nombreuses cours
– Encore qques séjours à Fontainebleau toutefois.

Rôle et importance de la musique
– Importance de son rôle : la musique est présente presque au quotidien à la Cour

* la musique est un accompagnement de la vie quotidienne aristocratique et royale (ce qui n’est pas nouveau)
* le roi est mélomane (ce qui amplifie l’importance de la musique)
* elle doit manifester la gloire du règne (à travers les institutions, le recrutement de musiciens mais aussi la conception même des œuvres)

– Le musicien est contraint d’obéir ou de suivre les circonstances

* soumission au caractère de l’événement (musique pour la réception d’ambassadeurs, symphonies pour les soupers, ballet, etc.)
* doit composer rapidement
* doit s’adapter au rythme de l’étiquette

M. BENOÎT distingue 3 fonctions ou 3 groupes répartis de manière un peu artificielle (se recoupent parfois)

I/ Œuvres de décor
II/ œuvres de fonction
III/ œuvres de divertissement

I/ Œuvres de décor

– ”Sorte de musique de film avant la lettre” (id°, Qsj, p. ) : musique qui n’est pas forcément écoutée

A – Musiques de plein air
1 – La chasse : 3 fois par semaine à Versailles et Fontainebleau avec sonneurs de cors et de trompes (qui dépendent de la Vénerie royale). Certains compositeurs ne dédaignent pas composer pour les chasses (J-J Mouret, Philidor). Concerts le soir après la chasse.
2 – Promenades sur le Grand Canal à partir de 1672, le Gd Canal est terminé. Un flottille de gondoles et gondoliers vénitiens promènent le roi et sa cour. Un navire porte le roi avec des musiciens pdt qu’un autre est chargé d’un orchestre entier. Le Roi “demeura environ une heure à goûter la fraîcheur du soir et entendre les agréables concerts des voix et des instruments, qui seuls interrompaient le silence de la nuit” (Félibien, Les Divertissements de Versailles, Paris, 1674 , cité Benoît, Pic, p. 65-66).
3 – feux d’artifice
4 – Tournois, carrousels : “sortes d’opéras équestres” (Benoît, Pic, p. 67) avec tr et timbales.

B – Rituels de la cour
1 – Musique pour les soupers
– Les dîners (= déjeuners) : la famille royale est dispersée. Musique pour les jours de fête slt.
– Les soupers : Le grand Couvert est dressé et presque tjrs accompagné de musique
“Le soir je soupe avec le Roi. Nous sommes 5 ou 6 à table ; chacun avale son affaire sans dire une parole comme dans un couvent ; tout au plus dit-on tout bas quelques mots à son voisin” (Princesse Palatine, 1707, Lettres, Mercure de France, 1981, p. 255).
– En fait, certains convives sont assis et participent au repas (la famille royale, les invités du roi) alors que d’autres sont debout et assistent. Les gentilshommes ont l’honneur de présenter les mets au roi.
– Musiques exécutées : symphonies arrangées et tirées de divertissements ou opéras (Lully par ex.), pages originales (Symphonies de Delalande = ouvertures avec suite de danses). Parfois des chœurs (fête des rois). Elles annoncent les mets.
– Musiciens : Écurie, 24 violons, solistes (clavecin, violon) mais en intermède (=> rejoint le concert)
– Presque tjrs les vents et percussions dominent et couvrent le bruit des curieux et invités qui entourent la table royale.

Ex CD : Delalande

– ton de fa min (original : sol min ?). Plan d’un ouverture à la française : A B
– A => Rythmes pointés, repos à la V. Pulsation binaire
– B => entrées en fugato, pulsation ternaire (3/4)

2 – Musique pour le coucher du roi
– Petit coucher : le roi peut y convier qques artistes

C – Autres cérémonies
– repas de sacre
– Visites diplomatiques (ex les envoyés du Siam en 1686 avec leur propre musique et accompagnés par celle du roi).

II – Œuvres de fonction: rôle plus précis
– Le musicien est investi d’une mission tantôt profane, tantôt religieuse

A – Musique de la Chapelle

* présence quotidienne de la cour
* grands motets qui s’écoutent pendant l’office (messe basse: préférée de L. XIV). Le roi y égrène son chapelet.
* le motet : musique donnée “pendant” l’office et non “dedans” (M Benoît, Qsj, p. 11). Mais il se présente comme une prédication musicale.
NB le plain-chant est donné pour les messes solennelles et du dimanche en alternance avec l’orgue.

B – Les bals et mascarades
– Le Bal ne s’improvise pas et obéit à une étiquette. On s’y offre en spectacle comme dans un ballet.
– Le Roi et la Reine (ou 1° princesse du sang) devant, débutent le bal. Les danses qui ouvrent : les branles et courantes (dansé TB par L XIV). Puis à la fin du règne, le menuet, car plus aucun maître à danser ne peut apprendre ces deux 1ères danses malgré le souhait de L XIV de les continuer pour débuter le bal (Benoît, Picard, op. cit., p. 67).
– Musiciens : 24 violons du roi, avec htb (Mousquetaires)

III – Les œuvres de divertissement

– Musique conçue spécialement pour les divertissements de la cour.
– Ce sont cette fois ci les musiciens qui forment le centre d’intérêt. Il sont écoutés, applaudis ou critiqués.
– Deux formes : le théâtre et le concert

A – Lieux:
1 – St-Germain-en Laye : un théâtre et une galerie dressée par Vigarani
– Louvre : appartement du roi, salon de la Reine
– Tuileries : la salle des “Machines”

2 – Versailles
– Dès le début du règne, le château sert de cadre à des fêtes dont les prétextes st nombreux: réception d’hôtes, pour une maîtresse royale, fiançailles, etc.
Ex les 3 jours de fêtes en l’honneur de Mlle de La Vallière: “Les plaisirs de l’île enchantée”, 1664 à Versailles (qui est un simple pavillon de chasse) inspiré de l’Arioste (centré autour d’un thème inspiré de l’Orlando furioso) : tournois, carrousels, fêtes nautiques, feu d’artifice et une comédie ballet de Lully et Molière, La Princesse d’Elide. Avec aussi le Tartuffe (qui fait scandale et dont L XIV interdit les représentations publiques). Durent pdt 8 jours. Les acteurs sont les courtisans et le roi lui-même. Dans une île s’élève le palais d’Alcine qui retient prisonnier le chevalier Roger. Le palais de l’enchanteresse s’abîme dans les eaux au milieu d’un feu d’artifice.

– Absence de lieux scéniques

* la notion de théâtre fixe ne commence qu’avec L XV
* il n’y a plus de vestiges des scène de L XIV, mais des témoignages sont conservés dans les relations d’époque, dans les gravures.

– Il n’y a pas de lieu fixe pour les spectacles (Opéra royal ouvert en 1770 slt)
– salons, bosquets, plans d’eau. Les scènes s’improvisent partout.
– Ne pas oublier que le 1er Versailles est d’abord un jardin, “un immense théâtre d’eau et de verdure”( Joël Cornette, TDC, CNDP, 2003, p. 8) qui sert de décors à des fêtes incessantes.
– Les décors et machines sont construits à l’extérieur (ou intérieur) pour chaque spectacle : architecture éphémère.
– L’opéra :

* La cour de Marbre peut servir de cadre à la Tragédie en musique (Alceste en 1674, par ex.)
* Au manège des Écuries (Persée, 1682)
* il existe aussi une petite salle, la “salle des comédies” (1682), mais seuls des ouvrages aux dimensions modestes peuvent y être représentés

– Tout le palais entier ressemble à “un somptueux théâtre aux mille décors” (Benoît, Pic, p. 69)
– Les thématiques de tous les arts se renvoient : les Nations, Apollon et les Muses, Les Nymphes, Achille, Orphée, Vénus, etc.
– Les bals :

* Salle des Ballets, en 1700 salle provisoire dans le vestibule. Elle dure 1 siècle
* Salon de Mars avec des tribunes pour les musiciens

– Les concerts

* Grands appartements, la galerie basse

– 2 sortes de spectacles ou auditions profanes : le théâtre et les concerts

B – Le théâtre

– Avec costumes et décors : comédies, ballets, opéras
– Comédie ballet : Lully et Molière puis Charpentier. Plaît au monarque et aux Grands
– Orchestre assez réduit : groupe de vls (12 en 1671), fl, htb, clavecin et autres instr (théorbe, percussions, etc.)
– Avec le privilège de Lully, les restrictions sont draconiennes (pas plus de 2 voix et 6 violons) même à Versailles.
– Pour l’opéra : on entend en général un nouvel opéra 3 fois/semaine à Versailles.
– Ex d’élaboration de spectacle à la cour : Le Triomphe de l’Amour (Lully, Lambert, Quinault, Benserade) à S-Germain en 1680-81, un ballet1. Dernière fête en ce lieu

* 39 jours de répétition
* par groupes séparés ou fondus (musique, danse, instr)
* se tiennent y compris dimanches et fêtes
* lieu : chez Lully, chez Monseigneur, sur le théâtre (existe à St-Germain)
* presque toute la Maison du roi avec nbx rôles pour les danseurs de la noblesse)

C – Les concerts ou “appartements”

– réunions plus intimes que le roi offre à un public choisi : les soirées d’ “appartement”
– 3 jours /semaine, soirées de plaisirs où prennent place la musique, la bal, les jeux (billard, cartes)
– Mais la musique s’écoute dans un salon et rassemble les connaisseurs
– Jours réservés pour la

*  “grande musique” : prologue + 1 acte de tragédie sans mise en scène, divertissements, intermèdes des comédies. (mercredi, vendredi, dimanche)
*  “petite musique” : les solistes, musique de chambre (mardi et jeudi). Musique de l’intimité (suites, concerts, airs) donnée par les meilleurs musiciens : Anne de La Barre, Mlle Hilaire, Marin Marais, E jacquet de la Guerre, F. Couperin. Ces petits concerts sont très appréciés à Marly, lieu plus intime où le roi choisit les invités (tous les jours ou tous les 2 jours)
* ex: Les concerts royaux de Couperin, édités en 1722, mais composés pour les concerts de chambre de L XIV, pour “presque tous les dimanches de l’année”.