Comment se forge l’image royale

– M Benoît : Rapport étroit entre les œuvres musicales et le décor qui leur sert de cadre (châteaux, jardins, etc) : il s’agit d’une “osmose entre arts plastique, littérature et musique” (Couvreur). On la voit à l’œuvre dans le choix des sujets de ballets ou d’opéras, dans certains titres de musique. Ex le motif des “Quatre Nations” chez Molière (Le Bourgeois), Ballet de Flore, l’Escalier des Ambassadeurs à Versailles (prévu par Le Vau dès 1669 comme introduction magnifique aux Grands Appartements. Peintures de Le Brun et Van der Meulen : histoire de la 1ère partie du règne de L. XIV. Les Quatre parties du monde y figurent). Cf aussi Apollon et les Muses, les Nymphes, Orphée, Vénus, etc.
=> Concerts et spectacles renvoient à une thématique commune

– Cette osmose est due à une volonté de propagande monarchique. Celle-ci est conçue et organisée par Colbert, contrôleur général des finances, surintendant des Bâtiments.

* centralisation du pouvoir monarchique
* création des Académies
* convergence des thèmes traités avec les événements contemporains ; unité des thématiques artistiques.

I – La Petite Académie
– Colbert joue un rôle moteur, mais il est accaparé par ses tâches : il délègue et s’entoure de personnes capables de l’aider.
– Créé la “Petite Académie” (nom donné par L XIV) en 1663 : un cénacle de savants et d’hommes de lettres rassemblés à l’instigation de Colbert (devient par la suite Académie royale des inscriptions et Médailles en 1701). S’occupe de littérature, d’épigraphie mais en fait de toutes les formes d’art officiel : thèmes des peintures, sculptures, des jardins, livrets des ballets et opéras. Premiers participants : Chapelain, poète et CH Perrault.
– La Petite Académie impose à Lully et à ses librettistes

* une thématique à la louange de L XIV et à la monarchie de droit divin
* une esthétique particulière qui régit la construction de l’opéra

– Elle sert de relais entre les différentes Académies
1661, Académie de Danse, 1664 de peinture, 1666 de Sciences, 1671 d’Architecture, 1669 Académie de musique puis 1672 A royale de musique.
– Elle permet d’escamoter la part prise par L XIV à son auto-célébration : les louanges ont l’air de provenir naturellement et sincèrement des écrivains et artistes.
– promeut l’Histoire du roi et les textes relatant les divertissements royaux (Félibien)
– Son rôle pour la musique : s’intéresse aux ballets et comédies. Intervient dans les livrets des tragédies en musique.
– Son importance se poursuit pdt le règne : à la mort de Colbert, Louvois la maintient malgré sa volonté de réformes avec La Chapelle, Racine, Boileau, Quinault, Félibien, etc.

II – Rôle des divertissements
– Le roi lui-même accorde un grand rôle à ses divertissements.

A – les prédécesseurs : Mazarin et Richelieu : objectifs politiques de divertissements
– Pdt le règne de Mazarin, celui-ci profite du goût de L XIV pour les spectacles afin de le détourner des affaires du royaume, leçon que le roi a retenu
– Mazarin, en fait, tente d’introduire l’opéra italien comme spectacle de prestige capable de refléter la grandeur du règne : le ballet n’est que pour divertir.

B – Les goûts du roi
– Le modèle de L XIV devient ensuite plutôt celui de Richelieu, fondateur de l’Académie française (1635) qui pratique le mécénat et favorise le ballet politique => veille à la célébration du règne.
– Goûts personnels du roi : L XIV aime les beaux-arts. Apprécie Molière, Corneille, Racine. Propose des sujets d’opéra (Amadis). Doué pour la guitare, bon danseur, il apprécie le ballet. Puis la tragédie, devient le “substitut de ce plaisir interdit”. Il suit les répétitions à Versailles (Alceste).
– Mais a conscience d’une portée plus importante

C – Sous L XIV : soumettre et éblouir
Pour L XIV, protéger les arts et les créateurs est aussi important que de gagner une bataille : cf Félibien “Un capitaine romain disait autrefois qu’il n’était pas moins d’un grand homme de savoir bien disposer un festin agréable à ses amis que de ranger une armée redoutable à ses ennemis : ainsi l’on voit que Sa Majesté fait toutes ses actions avec une grandeur égale et que, soit dans la paix, soit dans la guerre, Elle est partout inimitable.” (Relation de la fête de Versailles, 1668, Mercure de France, 1999, p. 56-60)

1 – Rôle social
2 – Instrument de politique extérieure

1 – Rôle social : soumettre
– Le divertissement est nécessaire à l’hygiène mentale et physique (enseignement de la danse, de la musique).
– Les dépenses engagées démontrent le pouvoir du règne. La montre et le faste relèvent la majesté aux yeux du peuple et des étrangers (Bossuet, les jésuites)
– Le roi doit se laisser voir par ses sujets : accès libre et facile au prince : ne pas gouverner par la terreur et la crainte. Un des thèmes favoris de la célébration (cf Quinault, Phaëton). Qd L XIV assiste à un spectacle avec sa cour, il montre qu’il est un homme comme chacun d’eux.
– Les spectacles occupent le peuple et la cour en temps de paix. Par ex la danse et les carrousels exercent la force physique.
– Les spectacles détournent la noblesse de son goût pour la “fronde”. Ils permettent de soumettre les courtisans. Cette démarche est pratiquée -avec succès- par Richelieu puis par L XIV.
– Fêtes et ballets donnés à Paris, devant le peuple (L XIII et L XIV?). Voir aussi les feux d’artifice, etc.
-Ils constituent aussi des rouages économiques importants

2 – Instrument de politique extérieure : éblouir
– Les frais énormes engagés pour les spectacles démontrent à l’étranger la richesse du royaume et établissent l’image d’un règne prospère
– Les fêtes et les commandes artistiques doivent continuer même pdt les conflits => prouve la richesse du royaume et l’abondance des talents.
– Visent à affaiblir le moral des troupes adverses : la guerre n’entame pas la prospérité du royaume.
– Les relations des fêtes sont voulues par Colbert : elles circulent en Europe et mettent la France à la mode (galanterie, luxe). Voir Félibien, historiographe des Bâtiments du roi, C Perrault.

III – Le “siècle de Louis XIV”
– L XIV a voulu avoir son siècle comme Alexandre et Auguste, les Médicis. La grandeur du règne est aussi bien dans ses écrivains et artistes que dans ses militaires (Perrault).

=> volonté de garder des traces du règne (relations des fêtes, conservation des partitions par Philidor)

– Le mécénat politique n’est pas une idée nouvelle : cf Richelieu, Mazarin. Colbert pour L XIV prend la suite et organise de façon magistrale sans gaspillage

* distribue les gratifications avec rigueur
* fonde la Petite Académie qui veille à la bonne marche de la glorification du roi.

Cette volonté d’utiliser des spectacles à des fins politiques ou morales se concentre particulièrement dans le ballet de cour -la “grande affaire” royale au XVIIe siècle-, spectacle où se manifestent à la fois l’éclat, la pompe mais aussi la vision politique de la monarchie absolue. Cette démarche est présente dès le règne de Louis XIII : le ballet de cour sous ce roi et sous son successeur représente une des meilleurs illustrations des relations entre pouvoir et musique.