Introduction
Un royaume catholique et religieux
“L’essence divine du pouvoir royal rend la religion catholique indissociable de la personne du roi comme de l’Etat”. Luc Thomassin, L’ABCdaire des Rois de France, Flammarion, 2000, p. 28.
=> Le catholicisme est religion du pouvoir, malgré la reconnaissance des protestants (Édit de Nantes 1598 par H IV)
=> Toutefois le Roi a le désir de s’imposer en Europe comme le défenseur du catholicisme. Son pays se doit d’épouser une religion unique : “Un roi, une loi, une foi”, c’est la révocation de l’Edit de Nantes en 1685.
=> Considérée comme une des fautes majeures du règne : 200 000 protestants environ s’exilent. L’élite intellectuelle et sociale du royaume s’enfuit en Europe.
– L’importance de la religion conditionne les fastes de la musique religieuse, surtout après 1683 avec le mariage de Mme de Maintenon à Versailles
– La Chapelle : une des plus vieille institution royale, connaît à cette époque un dévt considérable : concours de 1663 où L XIV s’attache les plus grands musiciens (Du Mont, sous-maître) et le fameux concours de 1683 (Colasse et Delalande)
Le gallicanisme
– Mais la musique est liée à un rite particulier qui manifeste la position française par rapport à Rome : le gallicanisme.
– origines : les conflits qui opposent le roi de France et le pape. Commencent dès Philippe IV Le Bel (début du XIVe). Objet : canaliser les empiétements du Saint-Siège sur le pouvoir temporel du roi, mais aussi sur certaines dispositions sociales (lois du mariage) et rituelles. Au XVIe (concordat de Bologne 1516) reconnaissance de l’autorité du roi sur l’Eglise (pouvoir de nommer les évêques et abbés).
– Le roi est très attaché au gallicanisme : “une Église liée à la papauté uniquement sur le plan spirituel”
– L’Eglise de France participe au pouvoir : ses prélats sont dans la direction des affaires d’état (roi, armée, diplomatie). Le roi lève des impôts sur le clergé, l’Eglise elle-même peut aussi lever des fonds destinés au pouvoir (chambres ecclésiastiques).
A la cour
– Présence quotidienne du rituel et donc de la musique : 1 messe par jour. Mais le roi impose un rite particulier : la messe basse avec musique.
– Les grands et petits motets s’écoutent “pendant” l’office et non “dedans” (M. Benoît) : un messe basse accompagnée de musique.
– La messe solennelle avec plain chant et orgue : pour les dimanches et fêtes.
– Le roi veut pour sa Chapelle les meilleurs musiciens :
“Votre Majesté a rassemblé avec beaucoup de soin et succez les plus belles voix de son Royaume et les meilleurs Symphonistes pour en composer la Musique de la Chapelle” (P. Perrin, Cantica pro cappella Regis, 1665)
=> comme au Moyen Age, la glorification du pouvoir passe par l’excellence des musiciens et pas forcément par des œuvres encomiastiques.
La musique
– La mus religieuse reste plus conservatrice dans la 1ère moitié du XVIIe
* la basse continue apparaît plus tard vers le milieu du XVIIe (H Du MONT 1652, Cantica Sacra, part imprimé: premier témoignage imprimé)
* goût et fidélité pour la messe a cappella à 4/5/6 vx, à côté de réalisations avec instr.
– Puis développement du motet, genre plus novateur ; à l’arrivée de Du Mont à la Chapelle royale, le grand motet avec orch était déjà bien établi : Louis XIV n’a pas présidé à sa création.
2 grandes formes : la messe polyphonique, le motet
I – LA MESSE POLYPHONIQUE
– Fonction (rappel) : compositions destinées à l’office catholique avec des pièces pour l’ordinaire et le propre
– Caractère conservateur au XVIIe
* Chœur a cappella parfois accompagné d’instruments
* Style de la messe franco-flamande (style sévère, contrepoint)
– Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) propose des messes à l’écriture plus novatrice: emploi d’instruments, riche harmonie dissonante, messes pour des solistes ou polychorales (4 chœurs par ex.)
II – LE MOTET
MOTET et liturgie
– Les Français sont plus novateurs dans le motet
– Genre représentatif de la musique religieuse à Versailles où la Chapelle n’est terminée qu’en 1710, alors que Louis XIV réorganise le département de la Chapelle dès 1663 et fait appel à des musiciens de renom (Du Mont, Delalande).
Les 2 formes
– On distingue deux formes du motet : le grand motet et le petit motet et Leçons des Ténèbres
– Leur différence réside dans la formation:
* Chœur, solistes et orchestre pour le grand
* solistes (de 1 à 4), b.c. à l’orgue et parfois quelques instr obligés
Fonction :
– les motets sont joués à la Chapelle Royale durant les offices (messe, vêpres, saluts), dans les offices des grandes églises ou certains couvents qui suivent le penchant royal pour ce type d’office.
– particularité des offices de L XIV à Versailles (lié au culte gallican)
* préférence pour la messe basse
* pendant que les musiciens exécutent des motets
* d’où floraison de compositions de motets
– Déroulement d’une messe à la Cour (décrite par P. Perrin, Cantica pro cappella Regis en 1665) :
Grand motet | petit motet | “Domine salvum fac regem” : grand ou petit motet plus court |
debut => élévation | élévation | conclusion |
– les nouveaux modèles (petit et grand motet) apparaissent au milieu du XVIIe
* importance d’Henry Du Mont (1610-84) pour l’élaboration du genre français
* forme définitive chez Delalande
LE GRAND MOTET
Le genre
– Définition : genre vocal religieux, à fonction liturgique ou non (participe à un office ou est joué en parallèle) pour solistes, chœur et orchestre.
– Textes: en général les Psaumes (Ancien Testament) ou les cantiques (textes liturgiques dérivés de la Bible : Magnificat, Te Deum, Veni Creator).
– Les innovations par rapport à la messe vers 1630: *accompagnement de l’orchestre, *apparition de la la basse continue (vers 1650), *alternance solistes/chœur et style concertant.
– Structure: au départ c’est le texte qui sert de structure. La musique met en valeur l’expression du texte
Henry Du Mont
– musicien représentatif de la mus religieuse sous L XIV
Né en Belgique, formation à Liège et à Maastricht
– Production importante : 150/200 motets sont connus. Avant sa nomination à la Chapelle, avait déjà composé des motets (publie à partir de 1652). Carrière de 20 ans au service du Roi.
– 1610 : naissance à Looz en Belgique (Flandres)
– ca 1643 : organiste à Saint-Paul à Paris
– 1660 : claveciniste de la Reine
– 1663 : sous-maître de la Chapelle royale (avec P. Robert)
– 1667 : nommé abbé commendataire (Du Mont est veuf depuis 1660)
– 1672-1673 : compositeur de la musique de la Chapelle et de la Chambre
– 1683 : quitte la Chapelle
– 1684 : décès.
– Le modèle de Charpentier et Delalande pour le petit et grand motet.
– Lully compose pour la Chapelle (mais pas de poste)
Le grand motet avec Du Mont
– Le texte est mis en musique grâce à des procédés différenciés, des alternances
* sections pour grand chœur et “petit chœur” (les solistes qui sont souvent regroupés)
* avec une alternance de ritournelles instr et de solistes vocaux
– Agencement libre: suite d’épisodes ininterrompus qui se fondent les uns dans les autres (multisectionnels). Forme souple mais qui joue sur les contrastes.
– Formation: orchestre à 5 parties, parfois 6, chœur à 4/5 parties. Chez Dumont : 2 dessus de violons
– On retrouve les influences ds sa formation :
* polyphonie du XVIe siècle franco-flamande
* art français de l’air de cour
* style italien
– Développe des accompagnements indépendants des voix
Exemple : le grand motet Nisi Dominus
– Date : 1674 pour la Chapelle du Roi (donc avant l’installation à Versailles et contemporain des 1ers opéras, Cadmus et Alceste de Lully)
– Texte : psaume 126
Verset 1 : “Si le Seigneur n’édifie lui-même une maison, en vain travaillent ceux qui s’efforcent de l’édifier”
Verset 2 : “Si le Seigneur ne garde lui-même une ville, c’est en vain que veille celuy qui la garde.”
– Structure :
Symphonie (Ouverture) | |
Verset 1 | récit de ténor |
Verset 2 | petit chœur et grand chœur |
Verset 3 | petit chœur et grand chœur |
Verset 4 | grand chœur et petit chœur |
Verset 5 | – symphonie (2 violons et bc) – récit de basse |
Verset 6 | petit chœur puis grand chœur |
Structure du Nisi Dominus de Du Mont
Ecoute :
Ouverture et versets 1 et 2 : Symphonie -Récit de ténor-petit chœur-grand chœur
Symphonie : pas une ouverture à la française dans sa structure mais en reprend les rythmes pointés (évocation royale): ex 1
– contrepoint ex 2
– richesse harmonique ex 3 (chromatismes)
= écriture moins verticale que chez Lully
Récit : avec bc, récitatif, monodie, mais infl française : style mesuré du récit français (cf Lully)
Michel-Richard De Lalande (1657-1726): l’apogée du style
– Carrière sous L XIV et L XV
1 – Brillante carrière
*sous-maître et compositeur de la Chapelle (postes élevés à la Chapelle)
*compositeur, surintendant de la Chambre
-Compositeur représentatif du style du “motet versaillais”
2 – Lui apporte une certaine évolution
– Structure
* structure à numéros fermés bâtis sur un ou plusieurs versets (= strophes)
* chaque numéro possède sa propre formation et orchestration (chœurs, soli, ensembles)
* Découpage: Ouverture puis alternance entre soli, ensembles de solistes, chœurs, interludes et préludes instrumentaux.
– Écriture: les nouveautés au nombre de 3 principales
* Écriture de contrepoint “fluide” des chœurs (opposition par ex. contrepoint savant et homophonie)
* Plus grande importance des soli vocaux (virtuosité, airs solistes)
* Développement de l’écriture orchestrale: rôle accru de l’orchestre et de ses couleurs, parties instrumentales concertantes.